La non-liquidation des pénalités contractuelles dans les marchés publics : une faute de gestion sans caractère pénal, mais aux conséquences réelles

7 juil. 2025

Dans un arrêt remarqué rendu le 1er juillet 2025 (n° S 2025 0944), la chambre du contentieux de la Cour des comptes a condamné l’ex-directrice de l’Établissement de communication et de production audiovisuelle de la Défense (ECPAD) à une amende de 2 000 €, pour avoir omis de liquider 162 034,51 € de pénalités contractuelles dans le cadre d’un marché public de travaux.

Ce manquement, bien qu’administratif, a été qualifié de faute grave ayant entraîné un préjudice financier significatif, au sens du nouvel article L. 131-9 du Code des juridictions financières, issu de l’ordonnance n° 2022-408 du 23 mars 2022.

L’arrêt constitue une alerte importante pour les praticiens de la commande publique : il ne s’agit pas ici d’un détournement de fonds, ni d’un acte de corruption, mais d’une carence de gestion, jugée suffisante pour engager une responsabilité personnelle, même en l’absence de toute intention frauduleuse ou d’enrichissement.

Une obligation de liquidation strictement encadrée par le droit de la commande publique

Le marché concernait des travaux de chauffage exécutés avec plusieurs mois de retard, sans remise des documents de fin de chantier, et sans conformité totale aux exigences contractuelles. Le CCAG-Travaux 2009, alors applicable, imposait une liquidation automatique des pénalités de retard et de mauvaise exécution, sauf décision formelle de modulation ou de renonciation. Ces principes sont désormais consolidés dans les articles R.2192-10 à R.2192-36 du Code de la commande publique.

Dans l’affaire jugée, aucun écrit, avenant, ni justificatif n’a été produit par l’ordonnateur pour expliquer l’absence de liquidation. Le comptable public a été mis en débet, mais la Cour a estimé que cette défaillance n’exonérait pas l’ordonnateur, en charge de transmettre les ordres de recouvrer conformément aux articles 5 et 170 du décret n° 62-1587 du 29 décembre 1962 relatif au Règlement Général sur la Comptabilité Publique.

Une responsabilité financière engagée malgré l’absence de caractère pénal

Contrairement à ce que la gravité du préjudice pourrait laisser penser, aucune condamnation pénale n’a été prononcée. L’arrêt mentionne qu’une procédure pénale avait bien été engagée auparavant, aboutissant à un jugement du tribunal correctionnel de Paris en 2018 pour des faits connexes (liés à un conflit d’intérêts autour d’un marché attribué à une proche d’un cadre de l’établissement). Toutefois, Mme X n’a pas été reconnue pénalement responsable, notamment en raison de l’existence d’avis juridiques divergents ayant pu entretenir une incertitude sur la légalité de ses choix.

En outre, aucune sanction disciplinaire, aucune interdiction d’exercice, ni annulation des marchés en cause n’ont été prononcées. Ces marchés avaient été résiliés ou régularisés par transaction avant l’ouverture de la procédure devant la Cour des comptes. L’unique sanction juridictionnelle prononcée a été financière (2 000 €), assortie de la publication de l’arrêt au Journal officiel, ce qui confère une dimension publique et symbolique à la condamnation.

Une faute de gestion caractérisée par l’inaction

La défense invoquait une délégation technique interne pour justifier l’absence de suivi. Mais la Cour a rappelé avec fermeté que la délégation de signature ne décharge pas l’ordonnateur de son obligation de supervision.

Mme X avait été alertée à plusieurs reprises par le secrétaire général, le contrôleur financier et le CGA. Elle n’a pourtant pris aucune initiative pour régulariser la situation ou entamer une procédure de recouvrement, alors même que les conditions contractuelles d’application des pénalités étaient réunies.

La Cour a retenu une faute de gestion, indépendante de toute intention frauduleuse, mais constitutive d’un préjudice réel, représentant environ 7 % du chiffre d’affaires commercial annuel de l’établissement (2,3 M€). Cette affaire incarne ainsi parfaitement le nouveau paradigme de responsabilité financière : la sanction repose sur l’inefficacité de la gestion, et non sur la malhonnêteté.

Les risques pratiques pour les ordonnateurs et gestionnaires

Cet arrêt met en lumière des risques très concrets pour les responsables publics :

Perte de recettes : l’inaction prive la personne publique de sommes contractuellement dues.

Responsabilité personnelle : même sans intention fautive, l’ordonnateur peut être sanctionné.

Atteinte à la réputation : la publication officielle de la sanction a un effet dissuasif évident.

Risque de mise en cause du comptable : la faute du gestionnaire n’efface pas les autres responsabilités.

Bonnes pratiques recommandées

Face à ce constat, plusieurs mesures simples mais structurantes peuvent être mises en œuvre :

Sensibiliser et former les agents à leur responsabilité de gestionnaire et aux conséquences d’une mauvaise gestion au sens des textes.

Documenter toute renonciation ou modulation : note explicite, décision formelle, délibération ou avenant.

Mettre en place un suivi contractuel automatisé, avec indicateurs d’alerte sur les délais, pénalités et incidents.

Assurer un dialogue actif entre services marchés, juridiques, techniques et comptables, notamment au stade du décompte final.

Veiller à la transmission rigoureuse des ordres de recouvrer au comptable public.

Former tous les intervenants à la responsabilité en phase d’exécution, en insistant sur les risques liés à la non-application des pénalités.

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